J'accuse un sourire au moment où Jake arrive devant ma porte,
ou plutôt, au moment où j'ouvre la porte de ma chambre.
J'aimerai pouvoir lui dire qu'il m'a manqué.
Que j'aurai aimé le voir plus ces derniers temps.
Que ça a été difficile la vie ... Sans lui.
J'aimerai pouvoir lui montrer d'un geste affectueux
que je suis contente qu'il soit venu, aujourd'hui.
Jake, mon Shadow à moi, n'est ce pas ?
Je me sens idiote de penser cela,
mais je n'ai pas le temps d'y réfléchir parce que
quelqu'un d'autre arrive dans ma chambre.

Une entrée fracassante qui m'arrache un autre sourire.
Morgan.

- C'est moooooooooooooooiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !

A la vérité, je crois qu'on avait remarqué.
Je pince mes lèvres sans savoir quoi faire.
Le visage tourné vers Jake.
J'en mourrai si je devais le voir s'en aller.
Pour une fois qu'il fait un vrai pas vers moi ...
C'est fichu à cause d'un danseur sauvage.
Je secoue le visage, j'ai envie de m'assoir sur mon lit.
Je ne sais pas quoi faire, et mon inutilité me frappe encore une fois.

« Je vais y aller . . . Je crois . . . »

Mon coeur rate un de ses battements.
J'ai presque envie de pleurer. Ne sais pas comment réagir.
Morgan est mon ami, je crois ... Mais Jake c'est plus que ça, non ?
Je ne sais pas, j'ai peur, je crois.
Ca me fait plaisir de les avoir tous les deux là.
Je suis sure qu'ils pourraient être amis.
Je n'en sais rien, me semble loin.
Je voudrai être ailleurs que dans cet espace confiné.
Je crois que je n'arrive plus à respirer.

- Mais ... ?

Tu viens juste d'arriver.
Faut pas croire, Morgan peut être supportable, je le sais.
Je ne sais pas pourquoi, ni comment, mais je le sais.
Jake, fais le pour moi, s'il te plait.

La foule retient son souffle, attention Jake Note va se mettre à parler, je pourrai le jurer. On y va mon petit, il suffit d'articuler. On bouge les lèvres et la langue en même temps. Tout en priant que des mots en sortent.
Je garde mon sourire au visage me dis que tout ça, c'est vachement délirant en fin de compte. Puis même si elle était en tête à tête avec son petit chéri, j'ai l'impression qu'elle est pas si mécontente de me voir ici.

Alors mes yeux s'écarquillent, je le sais. Parce que les lèvres du petit Shadow se mettent à bouger. Putain, comme je l'avais prévu quoi !
Tsss ! Tout ça pour dire qu'il va se barrer. Bon sang Keira, il est pas tellement prêt à se battre pour toi celui là. Il s'efface de suite tu remarques, non ?
Si elle sortait avec moi, elle verrait que je ne veux jamais m'effacer. Ja-mais. J'ai toujours le premier rôle, j'y peux rien, ça doit être les gênes. Normal que Jake ne puisse pas rivaliser.

Sourit jolie poupée, ce n'est pas sa fuite qui va te faire déprimer quand même ? On a déjà défini que c'était -peut être- un lâche. Y a pas mort d'homme, et même pas de mauvaises pensées.

- Mais ...

Ah bah justement ce que je me disais ! Mais !
C'était pas pour moi, le "mais" ? Du style : Mais Morgan vas y entre et fermer enfin cette fichue porte.
D'ailleurs pourquoi elle est encore ouverte celle là ? Ah je sais, parce que pour le plan à trois, c'est vraiment ce que je pensais. Je voyais plutôt Satine et Keira dans le même lit, tu vois ... ?
Je ferme les yeux avec une exagération démesurée, parce que bordel la pauvre Keira, elle va la voir se dessiner mon idée, non ?
Fin ce n'est pas un fantasme, ou tout du moins je ne l'ai pas énoncé comme un fantasme. Ce n'est pas obligé de se retrouver dans sa tête, n'est ce pas.

Bon allez, ça suffit se délire là, avant que Jake se remette à parler pour nous dire qu'il veut se casser, je ferme la porte de la chambre avec un grand sourire aux lèvres.
Allez, on joue ? Moi je le papa, Keira la maman, et Jake l'enfant ... Petit bébé joli qui semble tellement mal servi par la vie.

- Mais oui Morgan, tu es le bienvenu ici. Je te présente Jake, qui est invisible. Et Jake je te présente Morgan qui est unique.

Je dis en imitant la voix de Keira, bon sang je ne savais même pas que j'étais autant doué pour imiter. Je suis bon partout.
U-ni-que, tu assimiles Jake ? Ce que c'est bon la vie ... Non sérieux Keira, tu sors avec lui ?

Je n’ose pas lever les yeux, enfoui dans mes pensées obscures, dans ce doute qui m’écorche. Mes mains s’animent pour venir se cacher dans les poches d’un jean délavé. Un morceau de Jason, relique de ce frère qui me manque. Son absence est une vieille amie, la seule compagnie que je sache supporter. Les gens, ils m’étouffent de leurs mots, de leur présence. Il n’y a que Keira, bémol à cette règle. Je suis figé dans un coin, l’ombre d’une ombre, et j’attends qu’ils me laissent partir. Ce Morgan à qui ça n’est pas la faute, prends toute la place et je m’asphyxie.

La porte claque, propulsée par Morgan. Comme s’il savait, que je déteste être coincé, enfermé, visible. Visible parce que Keira aura cet air triste sur le visage, si je disparais, cet air qui me serre le cœur, faute d’avoir appris à aimer chaque parcelle d’elle. J’aimerais faire disparaître Morgan et retrouver cette calme utopie que sont les moments passés avec cet ange que je ne saurais mériter. J’aimerais qu’ils m’oublient, qu’ils agissent comme si j’étais ailleurs, mais le regard étrangement malicieux de Morgan se pose sur moi. Non, s’il te plait, ne me parle pas, ça n’est pas nécessaire. . .

- Mais oui Morgan, tu es le bienvenu ici. Je te présente Jake, qui est invisible. Et Jake je te présente Morgan qui est unique.

Je fronce les sourcils, devant son égo démesuré, devant son assurance qui agresse mes oreilles. C’est tout sauf plaisant, c’est agonisant. Il ne veut pas vraiment me connaître, il en sait simplement assez pour me faire disparaître. L’envie est forte, trop forte, je m’appuie sur le mur, incapable de faire autre chose. Toute ma concentration passe à essayer de ne pas partir, de ne pas m’effacer. J’inspire entre mes lèvres pratiquement closes, contrôlant l’oxygène qui se rend à mes poumons, faute de ne pouvoir contrôler l’environnement qui m’entoure. Je cherche dans ma tête les mots que je devrais articuler. Mes yeux croisent ceux de Keira. J’y reste accroché, un moment, perdu, oubliant ce Morgan. Il n’y a que Keira, qui existe à mes yeux, je lui en fais la promesse, puisque mon cœur ne jure que par elle.

J’inventerais un Jake qui sache exister, si elle me le demandait. Je lui ferais voir les étoiles, la nuit, les joies de l’invisibilité. Une question s’insère dans mes pensées. Ce pouvoir, qui est le mien, a-t-il des limites ? Mes vêtements deviennent invisibles avec moi, si sa main tient la mienne, pourrais-je la faire entrer dans mon monde ? Dans cet anonymat qui me définit. Elle est la seule avec qui je voudrais partager mes secrets, tout ce que je suis.

Mes yeux ne quittent pas les siens, et j’en oublie Morgan, dont l’écho des mots a déjà quitté l’air de la pièce. Ma tête force la politesse entre mes lèvres et j’en salue cet étudiant, à contre cœur.

« Bonjour . . . . Morgan. »

Les mots sont faibles, étranglés par sa présence. Ne m’en veut pas, Keira, mais tes amis, c’est trop pour moi, je ne sais pas vivre avec les gens. Mais je fais un effort, je suis toujours là. J’ai même réussi à dire quelques mots. C’est le mieux que je puisse faire, tu comprends, pas vrai ?

Figée dans un monde parallèle je me demande comment cela a pu se passer.
Je ne sais pas, ne comprends tout simplement pas.
Mes yeux jongles, d'un à l'autre, de l'autre à un.
C'est n'importe quoi, et puis ... Morgan, qu'est ce que tu fais là ?
Mon cœur explose, tirailler.
Et je me dis qu'il ne manque plus que les autres amis que j'ai arrivent ici.
Ce n'est pas que j'en ai beaucoup, c'est que je crois n'avoir que des garçons.
Mon comble me donne envie de rire comme de pleurer.
Je les fuis pour au final être ami avec eux.
Morgan, Hayden, Warren ... Et puis Jake.
Mon dieu, j'ai du être damnée à la naissance.
Je ne mérite pas d'exister.

- Mais oui Morgan, tu es le bienvenu ici. Je te présente Jake, qui est invisible. Et Jake je te présente Morgan qui est unique.

Cette fois ci je laisse échapper un soupir du surprise et d'envie de rire devant sa phrase.
Son assurance. Son lui, quoi. Toute la joie d'être Morgan Cox.
D'être quelqu'un et de le vivre bien.
De savoir être bon comme mauvais.
De respirer la sympathie comme la crainte.
Et malgré mon envie de rire, assez prononcée, je me retourne vers Jake.
Et lorsque mes yeux se posent sur lui, l'envie de rire s'enfuit.
L'envie de tout d'ailleurs. Mon cœur voudrait envoyer valser Morgan.
Mais je ne sais pas, peut être que ça ne se fait pas ...
Peut être que je veux voir, observer comment Jake réagis.
Si je compte pour lui.

« Bonjour . . . . Morgan. »

Bonjour, c'est déjà ça. C'est bien même, je crois.
Mes yeux semblent ne plus voir.
Mon cœur semble comme choqué.
J'ai l'impression de vivre une autre vie, ou de suivre une série télé.
Depuis quand déjà ce n'était pas arrivé ?
D'oublier que je suis ici pour apprendre à oublier leurs pensées ?
Que je suis une héroïne en devenir, d'après eux.
Et puis mon estomac ne fait qu'un tour lorsqu'il se rend compte qu'il apprécie, n'être qu'une simple fille de mon age.
Qu'une étudiante avec deux prétendants, même si je sais que Morgan n'en est pas un.
De n'être que Keira pour une fois.

- Les présentations sont faites, à l'évidence. je lève les yeux au ciel.
Maintenant, Morgan pourrait-il expliquer ce qu'il fiche ici ?

Et mon sourire ne s'enfuit pas.
J'ai l'impression de n'être qu'une simple moi.

Je reste figé, avec cette envie d’être ailleurs, de vouloir cesser d’exister dans ce monde où on m’enferme entre quatre murs, où on me force à vivre. Je ne peux qu’inspirer dans l’espoir d’être oublié, dans mon coin, dans ma tête. Les secondes n’existent que dans cet ailleurs où je m’enveloppe de solitude, cette vieille amie. Je ne suis pas fait pour les gens et cette vie.

Mes pensées, vont vers ce Morgan dont l’exubérance est la preuve même qu’il est vivant. Il crie au monde qu’il est là pour rester, pour exister, alors que je m’efface dans le temps. Sa présence est si forte, qu’il n’y a pas de place pour mon ombre, ça iras, je n’avais pas ma place ici, pas vrai ? Je me mentais à moi-même, comme quoi ma tête à moi aussi, est capable d’illusions. Mon regard se pose sur Keira, et je voudrais pouvoir renoncer à elle. Ça serait la meilleure chose à faire, celle qui montrerait ma grandeur d’âme, mais il semblerait que pour le meilleur ou pour le pire, je ne sois que moi, Jake, petit, trop petit pour faire ça.

- Les présentations sont faites, à l'évidence. Maintenant, Morgan pourrait-il expliquer ce qu'il fiche ici ?

Et elle pourrait rougir, douce et tranquille, jeune et innocente. La voilà, la Keira avec le potentiel d’être heureuse. C’est beau à voir, étrange et rassurant, que l’un de nous deux, puisse grandir pour devenir part entière de ce monde qu’on regarde trop souvent de loin. Pourtant, mon cœur se brise, parce que cette légèreté ne lui vient pas naturellement en ma présence. Bravo Morgan, tu es ce qu’il y a de mieux pour mon ange. Tu en prendras soin, pas vrai ?

Ce qui fait le plus mal, c’est ce sourire qui traîne sur son visage. Le genre d’expression inconsciente qui remplace ce pli sur son front. J’avais appris à aimer le froncement de ses sourcils lorsqu’elle marche dans la foule. Peut-être suis-je simplement jaloux. Bien sur, quelle question. Je savais depuis le premier moment, qu’elle ne m’appartiendrait jamais, mais je l’ai oublié, au beau milieu de la forêt, quand rien d’autre ne semblait exister que nous deux. J’avais tord, ça n’est pas ça la vie, c’est le reste du monde et cet endroit auquel elle appartient. Keira a toujours été faite pour la lumière, bien qu’elle semble l’ignorer. Ça n’est pas grave, je regarderai de loin, tu sais, à l’ombre d’une bâtisse, dans l’anonymat de l’invisibilité, dans le noir d’une vie sans toi.

En réalité, on le sait tous que Jake peut devenir invisible, mais là le mec il est presque aussi pâle qu'un derrière. Faut se ressaisir ! Tu veux sortir avec la fille qui ne veut pas d'homme dans sa vie.
On se remet sur le droit chemin, si tu y tiens, papa Morgan pourra t'expliquer. Ça suffit de déconner. On a une Keira à harponner.

Je ne sais pas pourquoi j'attends qu'ils se mettent à parler, après tout, ce qu'ils vont dire sera surement moins intéressant que ce que moi je pourrai sortir.
On se dépêche, papa veut parler les enfants.

Les secondes qui défilent sont une éternité. Bon sang, mais je pensais m'amuser moi en venant ici.
Complétement faussée mon idée, faut que je trouve autre chose, et vite. Si je leur tire la langue très fortement ... Non, Jake va crier, faut pas faire peur au bébé.

- Les présentations sont faites, à l'évidence. Maintenant, Morgan pourrait-il expliquer ce qu'il fiche ici ?

C'qu'elle a la classe Keira quand elle se met à parler. C'est cool comme y a jamais de mots qui sonnent faux.
Du coup j'en sourie, j'aime bien cette idée mystérieuse qui est de savoir pourquoi je suis ici.
Mystère oui ... Mais boule de gomme aussi !

Ce que Morgan fait ici ? Bon à l'évidence ce que Morgan voulait faire à la base ce n'est plus d'actuel, elle est déjà convoitée, la jolie poupée. Peut être que la compétition ne fait pas peur à Jake ?
On essaie, pour le plaisir de jouer ? Entre lui et moi vraiment, y a pas photo n'est ce pas ?
Même moi, sans être moi, je me serai choisi moi. L'hésitation ne se fait même pas.

Keira, si je suis là, c'est parce qu'en réalité j'aurai bien voulu que tu joues le rôle de la maman, moi du papa. Bon on est obligé de se coltiner un enfant, mais on pourra s'y faire.
C'est sur il est moins parfait que ce qu'aurait pu être un vrai bébé de toi et moi, mais je te dis, on s'y fera.
Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah ! Un bébé, vraiment ? Non, mais tu vas les laisser tranquille mes tout-petits bien au chaud dans mon caleçon ! -Slip kangourou, oui ... Sexy Roxy !- il ne sortiront pas ce soir.
Vilaine Keira. Vilaine, mauvaise ... Perverse ? Hum, j'aime ça.

- Bah quoi ? Keira, je voulais juste qu'on fasse des bébés moi.

Avec mon charme, ton intelligence, mon charisme, ta beauté. Ils seraient du tonnerre ces gosses là.
J'avais pas peur moi ?
Et Jake ? Non, mais c'est bon, on va le faire adopter.

Je ne sais plus ce qui se passe, et mon cœur semble vouloir me couler par la bouche, me donnant la nausée. J’aimerais le silence et la solitude. J’aimerais n’avoir jamais connu autre chose. J’aimerais ne pas désirer être l’exubérant Morgan pour avoir l’attention de Keira. Je ne sais pas si ce sentiment d’inaptitude me colleras à l’âme jusqu’à la fin, mais il semble bien accroché à ma carcasse, me tirant vers le bas, vers les abîmes de ma propre noirceur. L’air est bloqué dans mes poumons, et leur conversation semble si facile, si naturelle, que j’ai peur de ne jamais avoir ça, avec personne. Je ne suis que l’invisible, l’air qui les entoure, le vide à combler. Vide, c’est ce sentiment que ressens, belle allégorie qu’est ma vie. Le vide d’un frère arraché. Je trouve réconfort dans les murs silencieux de ce chez-moi qui porte le fantôme de cet ami, de ce frère maintenant parmi les anges. J’en viens mélancolique, sachant qu’il y a des pertes dont on ne guérit jamais totalement. Je ne suis pas à ma place, ici, avec ces faux semblants. Je fais semblant, que ce Morgan ne me dérange pas, que les sourires de Keira ne déchirent pas mes entrailles, que j’existe. Je ne suis que la silhouette indistincte d’un étudiant, pas particulièrement brillant, pas plus stupide que le voisin de droite, rien d’éblouissant, pas même son pouvoir. Le vide, l’inexistence, l’oubli. C’est moi.

- Bah quoi ? Keira, je voulais juste qu'on fasse des bébés moi.

Je ferme les yeux, déchiré par le rire sous les propos du charmant danseur. Ma seule tentative d’amusement a été désastreuse, je ne suis pas celui là, malheureusement. Ils se regardent, et je n’en peux plus, ma gorge est serrée. Je suis désolée, mon ange, mais tu mérites le soleil et la vie. Je te laisse partir. Oublie-moi, ça ne devrait pas être bien difficile. Je resterai l’inconnu qui t’admire de loin, incapable de t’aimer à ta juste valeur. Le monde t’attends, ne lui refuse pas ta douce présence. Je te libère de ma vue.

Sans bruit, sans rien, je m’évanouis dans le décor, plus aucune trace de Jake, ce Shadow qui n’a pas sa place dans le monde. J’ai voulu exister pour elle, mais c’était égoïste et mon cœur choisiras toujours Keira avant ma propre personne, je n’y peux rien. Je ne dis rien, espérant qu’ils m’oublient, que je puisse partir sans rien bousculer, sans interrompre leurs amusements verbaux. Je traverse la pièce, sans un son, attendant que Morgan bouge de là. Le fantôme, c’est moi.

J'attends, encore une fois, une réponse, n'importe laquelle.
Mes yeux jonglant d'un garçon à l'autre, mon coeur se resserrant petit à petit. De plus en plus que les secondes passent.
Je crois que la folie me guette à présent. Je ne veux pas que Jake, non pas après tout cela.
Tout ses petits pas que l'on a fait l'un envers l'autre, revenir en arrière serait trop douloureux.
Dieu empêchez de s'enfuir, de me quitter avec cette certitude bizarre qu'il n'est pas assez bien pour moi.
J'ai mal au cœur, je veux que cette situation se stoppe des maintenant.
Et alors que je ferme les yeux pour m'imaginer Morgan s'enfuir, je vois apparaitre des enfants devant moi.
Non mais vraiment n'importe quoi !

J'esquisse un certain sourire, plus pour moi que pour eux, et si je le pouvais, je m'excuserai de presque alors que je ne sais pas ce qu'il va se passer dans les prochaines minutes qui vont suivre.
J'appréhende la phrase que va sortir Morgan, maintenant que j'ai vu dans son esprit. Que j'ai reconnu mon nez sur cette petite fille qui avait ses yeux.
Bon dieu, sérieusement, il ne peut pas espérer cela ? Ou alors, il l'espère malgré lui, voilà.
Mon sang ne fait qu'un tour alors que je vois la bouche de Morgan s'ouvrir, prêt à parler.


- Bah quoi ? Keira, je voulais juste qu'on fasse des bébés moi.


Je m'en serai doutée. Je secoue le visage alors que je lui lance un regard noir.
Les petits bouts de chou se dissipent enfin de mon esprit, de mes yeux. Me laissant en tête cette image si étrange d'avoir un jour des enfants avec Morgan.
Il faudrait que je suis complétement dingue pour cela..
Mais je n'ai pas le temps de trop réfléchir sur ça, parce que mon sourire s'estompe alors que je me retourne vers Jake.

Je t'en supplie ne me fait pas cela. Jake, bon sang, je t'en supplie, reste avec moi.
Mais c'est trop tard, n'est ce pas ? Je peux lire sur son visage qu'il a déjà choisi.
Qu'il pense que c'est le mieux pour lui, pour moi. De disparaitre comme ça.
Alors, c'est devant mes yeux, et surement devant ce de Morgan s'il arrête de nous imaginer en papa et maman, que Jake disparaitre.
Ne reste de lui plus rien, qu'une ancienne forme que je me force à voir encore.

Je lâche un soupir alors, et me retourne vers Morgan lui lançant un regard méchant.
A la vérité, les enfants ici ? Ce sont eux, là, les deux garçons qui ne savent rien.
Je ferme les yeux, laisse mon corps tomber sur mon lit, allongé les mains dans les cheveux je prie pour ne pas voir les nouveaux fantasmes idiots de Morgan.
Ses fantasmes qui pourraient se transformer en quelque chose de dangereux, pour moi.
Je n'aime plus cette situation, je n'aime plus les savoir tous les deux là.
Et j'aurai voulu que Jake se batte pour moi, je crois. Mais à l'évidence, je ne peux lui demander cela.
C'est pure folie, n'est ce pas ? Qu'ils me laissent seule maintenant, je suis épuisée de devoir tout savoir gérer.


- Morgan, arrêtes ça, que je finis par dire en me relevant assise devant lui, devant eux ? Et Jake, reviens, s'il te plait. Il ne faisait que rigoler ...


Je soupire encore alors que j'aperçois de nouveaux ces bambins devant moi.
Ils ne sont pas du tout réels ces bébés là, Jake, reviens-moi.

Je ferme les yeux et le monde cesse d’exister. Les battements de mon cœur se calment. Dans le noir, je n’ai plus peur. L’air danse jusqu’à mes poumons et je me concentre sur son voyage. Là, invisible, perdu dans ma tête, un visage s’impose, comme une vieille photographie en noir et blanc. Jason regarde vers l’horizon. L’étrangeté réside dans le fait qu’il est généralement de l’autre côté de l’appareil. Mon cœur se fend alors qu’il se tourne vers moi. Je pourrais jurer qu’il me voit. Ses lèvres bougent, mais aucun son n’en sort. Peut-être parce qu’il est . . . mort. L’absence, la folie. Qu’est-ce que j’en sais. Je m’échappe, je m’efface, plutôt que de faire face. Un frisson me parcours le dos. Je serre les dents. Tu me manque, Jay, chaque jour. . .

Mon fantôme s’efface, mais j’hésite à ouvrir les yeux. Ne me laisse pas . . . À qui est-ce que je pourrai parler de Keira, de maintenant, de quoi que ce soit, juste pour me sentir un peu moins seul. Juste pour entendre mes mots plutôt que ce silence aliénant qui règne à la maison. Peut-être que j’aurais voulu exister, si tu étais encore en vie . . .

Mes mains se trouvent, comme deux sœurs séparées à la naissance. Je me tiens en un morceau, les ongles enfoncés dans ma paume. Ça ne devrait pas être si dur, de vivre.

- Morgan, arrêtes ça,

Qu’il arrête quoi ? De vivre, de rire et d’exister ? Ne vois tu pas que le monde serait un sinistre endroit s’il n’y avait que des gens comme moi. Je ne lui demande pas d’arrêter, je ne lui demande pas de partir, parce ça n’est pas lui le problème.

- Et Jake, reviens, s'il te plait. Il ne faisait que rigoler ...

Oh, rigoler. Tu sais bien que je ne sais pas. J’en deviens maladroit, j’en perds l’envie si facilement. Regarde Morgan et le sourire satisfait sur son visage. Il rigole bien, lui. Rigole un peu avec lui, je regarderai d’ici, bien à l’abri de cette vie.

Revenir pour quoi ? Tu peux bien vivre sans moi, c’est évident. Je me sens léger et con, alors que je réalise que je ne pourrai pas lui résister. Elle demande et j’y suis, je lui donnerais le monde et l’infini, la lune et les étoiles, le soleil et les nuages. Je lui donnerais les commandes et je suivrais jusqu’à la fin. Le monde est si beau avec elle, que je ne peux pas le quitter entièrement.

Je marche les quelques pas qui me séparent de Keira, pour passer repousser une mèche de ses cheveux derrière son oreille. La douceur qui glisse contre mes doigts m’échappe un sourire. Je me penche à son oreille, pour y murmurer, à l’insu de Morgan :

« Je suis désolé, . . . c’est plus fort que moi. Mais je suis toujours là, donne moi quelques minutes . . . »

Je ne t’ai jamais quitté, je te le jure.

Jake ne dis rien, et je me dis plus jamais maintenant, qu'il est ennuyeux ce garçon là.
Pas étonnant que Keira ne m'ait pas encore viré, il donne envie de se tuer, le pauvre Jake esseulé.
Faut rigoler, dans la vie, faut pas toujours tiré cette tête de déprimé.
Faudrait que je puisse lui expliquer, mais une autre fois, quand on ne sera que tous les deux, sans Keira.
Papa Morgan t'apprendra comment on fait pour les impressionner les demoiselles, les surprendre à chaque seconde de la journée.

Et puis se déroule devant mes yeux le moment où le monsieur disparait, tout simplement.
Comme par magie. Grandiose, je peux applaudir maintenant ? On frappe fort dans ses mains pour l'exploit.
Je ne pense même plus à nos futurs petits, même si bon, l'idée trotte dans ma tête sans que je ne puisse la stopper. Reine de mes pensées, j'aimerai pouvoir l'avorter.

Bon et maintenant le magicien revient à la vie, n'est ce pas ? Parce que ce n'est pas drôle si je ne peux pas voir son visage se décomposer à chaque fois que je parle d'un hypothétique Keira et moi.
Keira, moi, et nos bébés, n'est ce pas, n'oublions surtout pas.
D'ailleurs la future maman semble exaspérée, plus que jamais ?

- Morgan, arrêtes ça, quoi, qu'est ce que j'ai fais moi encore ?
C'est pas ma faute, je vais devoir hurler que je suis innocent, pour changer ?
C'est pas ma faute si nos enfants, ils seraient beaux. J'y peux rien, moi, c'est plus fort que moi.
Et je suis sur que toi aussi tu les trouve beaux, ces bambins là.
Et Jake, reviens, s'il te plait. Il ne faisait que rigoler ... Ouais, non, quand même, de lui, il me semblait qu'on pouvait très bien s'en passer.

Autoritaire, mais pas trop. Bon sang, la Keira, elle est la classe, n'est ce pas ?
Elle a ce truc, je ne sais pas ... Ce truc pur quoi. Ouais, je sais, c'est con à dire ça.
Bon il réapparait le petit, je m'ennuie, et de le savoir là je me retrouve à ne plus quoi savoir dire.
Pas que je ne me suffit pas à moi même, ça je l'ai déjà prouvé.
Mais bon, j'étais venu pour déconner, surement. Et puis ... Pour savoir si Keira aller bien, peut être.
Si elle allait bien ? Nooon, n'importe quoi, j'en suis pas au point de m'inquièter pour elle, j'suis déjà trop occupé à m'inquièter pour moi.

Il me semble entendre un murmure, un je-ne-sais-quoi, un Jake peut être qui n'ose pas, ne sait pas.
Tsss n'importe quoi.
On ne t'as jamais dit que la vie, c'était maintenant ?
Réveilles-toi, reviens lui, juste comme ça, comme t'as su disparaitre. Trouillard.

- Si on ne peut plus vivre !

Ouais, celle là, je l'avoue, elle est sortie d'un coup, et même moi je ne la comprend pas.

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

Et celui là, va le comprendre mon gars !

J’essaie de reprendre le contrôle sur ma vie. Mes mains tremblent. Anxiété ou la présence irréfutable de Keira. Je me perds dans un de ses sourires de porcelaine. Mon cœur s’emballe. Je désire tant de choses qui me semblent intouchables. Alors je les efface de ma mémoire pour ne pas souffrir leur absence. Mon ombre se balance entre deux extrêmes. Une vie de fantôme où ton soleil m’illumine de si loin que j’en suis électrisé ou une existence palpable dont la suite reste à rêver. La vraie vie comporte les plus grands risques, mais aussi les plus belles récompenses. Serais-ce possible, d’exploser de bonheur. Parce que la vie avec Keira pourrait être si lumineuse que j’en perds le souffle. Si elle voulait de moi. J’en reviens à cette question, à ces doutes, à ses yeux qui brillent chaque fois que je la vois. Et j’ai envie de prendre une chance, de ne plus avoir peur. J’ai envie d’exister avec elle. Et si elle est un ange, aussi belle qu’intouchable, et bien je lui construirai un temple, ne demandant en retour que le plaisir de la voir sourire.

Son sourire. Rien qu’à l’imaginer, je souris comme un imbécile heureux. Keira me réchauffe de l’intérieur. Je pense à elle et je me sens moins seul. Si je croyais à la magie, je dirais qu’elle est enchantée. Puisque ça n’est pas le cas, je me contenterai de divine, parce que c’est plus que certain qu’elle vient du paradis.

- Si on ne peut plus vivre !

Tu ne t’es jamais aussi trompé, Morgan. Et si je commençais à vivre ? Et si j’ouvrais les yeux, maintenant, pour me sortir de l’ombre. Oublier la noirceur et m’animer des couleurs de son soleil. La vie a maintenant un goût de paradis et je remercie Keira d’être plus importante que tout le reste. De me tirer au dessus de ma réalité.

- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !

Je fronce les sourcils, ma réaction invisible à leurs yeux. Mes doutes sont éclipsés par sa folie et je m’en veux de m’être laissé atteindre si facilement. Morgan n’est qu’un bouffon et si je peux admirer les rires qu’il parvient à tirer de Keira, et bien ça me conviens. Dis-moi que tu le permets, mon ange, et je serai heureux. J’en suis capable, tu sais ?

Je reprends forme, juste derrière Keira. Je suis proche, trop proche. Dans la bulle où son odeur plane. Ma main se réprime de glisser vers la sienne. J’apprendrai la patience tout comme j’apprendrai à vivre. À retardement, je m’essaie à ce jeu que semble jouer Morgan.

« Qu’est-ce qui se passe, t’as vu un fantôme ? »

J’aurais aimé que ma voix soit plus confiante, qu’elle plane comme dans une agora. Peut-être que Morgan me tourneras en ridicule, mais si je dois perdre Keira, ça ne sera pas à cause de lui, ça sera à cause de moi. Si je ne suis pas assez, si je ne la fais pas vibrer, elle en choisira un autre. Si je ne me bas pas pour une place dans son monde, je ne la mérite pas. Keira est une étoile et je ne suis pas le seul à en être ébloui, ça n’est pas surprenant. Elle scintille et jamais personne ne sera aussi précieux qu’elle.

Je me sens idiote, plus que jamais, mais je ne bouge pas. Je reste là, j'attends.
J'attends que les enfants que Morgan et moi n'auront jamais s'efface enfin de mon esprit beaucoup trop embué.
Je me demande même s'il le fait exprès, parce que ce n'est pas si compliqué de comprendre comment fonctionne ma malédiction.
Il suffit de penser ; Je rêve ... et tout ce met en place devant moi, c'est comme une formule magique, tu vois ? Mon propre "Sésame ouvres-toi."

J'aimerai que Jake revienne maintenant et que Morgan arrête, j'aimerai me sentir forte et lui faire comprendre de s'en aller.
Que si Jake ne peut pas respirer dans la même pièce que lui, mon souffle aussi se retrouve coupé.
J'aimerai voir ses yeux quelque part, le comparer au regard du Chat du Cheschire qui apparait partout. Pouvoir d'invisibilité, je te hais.
Je voudrai savoir lui transmettre du courage, le peu que j'ai en moi, pour lui dire que cette chambre elle est bien vide sans lui avec moi.


« Je suis désolé, . . . c’est plus fort que moi. Mais je suis toujours là, donne moi quelques minutes . . . »


J'accuse un sursaut lorsque j'entends sa voix murmurer mon oreille. J’amorce un sourire aussi parce que je me rends compte à quel point j'ai besoin qu'il fasse parti de ma vie.
Je ne dis rien, j'attends, j'attends mais avec espoir cette fois.
Espoir de le revoir à mes côtés dans quelques secondes, m'imaginer la réaction de Morgan.
Sourire et rire aussi, vivre, tu crois ?


- Si on ne peut plus vivre !


J'écarquille le regard parce que même si je ne comprends pas sa phrase, elle se place parfaitement au milieu de mon esprit.
C'est ça, non, que je voulais ? Vivre. Me dire que tout arrive pour une raison, et qu'à la fin tout ira bien.
Je me demande même si Morgan pense à cela lorsqu'il prononce ces mots là.
C'est en esquissant un sourire que je me rends compte que non, il ne doit pas penser à ça.
Ca doit venir d'ailleurs, d'une pensée perdu au milieu de l'océan de son esprit. C'est juste n'importe quoi, lancé comme ça. Dans le vent, pour Jake et moi.


- Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah !


Cette fois je sursaute réellement, parce que je ne comprends pas.
Je me demande même si tout cela a un sens. Surement que oui ... ? Mais ma folie doit m'empêcher de le voir.
Je me sens idiote aujourd'hui, encore un peu plus. Je me sens perdue, aussi. Faut qu'on m'explique que je revienne dans une certaine réalité.
Et puis je perds le fil de me pensées lorsque je vois apparaitre à nouveau son visage parfait.
Trop doux pour être vrai. Mon Jake, ce à quoi ce résume ma vie. Un prénom pour m'aiguiller, son regard pour me tenir en vie.


« Qu’est-ce qui se passe, t’as vu un fantôme ? »


Je fronce les sourcils, me rendant compte que Jake est revenu pour moi, mais je crois qu'il n'est plus dans le même état d'esprit.
J'entrevois une pointe d'humour au milieu de tout ça.
Et mon froncement de sourcils se transforme en un nouveau sourire. Me vient en tête l'idée terrible que c'est trop pour aujourd'hui.
Que j'ai déjà trop souris. Que demain le ciel s'acharnera sur moi. Il se vengera de tout ce micro bonheur que je ressens aujourd'hui. C'est la dure loi d'être moi, n'est ce pas ?

Prise d'un élan de je-ne-sais-quoi, je me retourne vers Jake et le regard tranquillement, ma main va se poser sur son visage, amoureusement, tu crois ?
Et puis, c'est un calme qui me colle à la peau depuis des années que mon regard retourne se porter sur l'intrus de la journée.
Mon ami, je crois, Morgan Cox, l'unique, c'est ça ? Je fronce mon nez lorsque cette pensée arrive jusqu'à moi.
Et puis je me décide, chose que j'aurai du faire avant, je crois, je ne sais pas. Mais cette fois j'ai compris, que Jake ne veux pas de lui dans sa vie. Essayer pour moi ?
Je le changerai de ce qu'il est vraiment et ça je n'arriverai jamais à m'y faire. Je ne veux pas qu'il devienne celui que je veux, parce que je sais déjà qu'il est fait pour moi.


- Morgan, laisse-nous, tu veux ? On se verra une autre fois, toi et moi ... En toute amitié. que je me précipite de rajouter pour ne pas lui laisser le temps de penser à autre chose. Je ne supporterai pas une autre vague de bébés.


Morgan, va-t-en laisse moi essayer de vivre et d'aimer.

Plus rien ne me protège du monde, de ce Morgan qui marche sur les autres, de Keira qui pourrait probablement me faire disparaitre pour de bon, si elle n’était pas si éblouissante, du dedans comme du dehors. Je te fais confiance, parce que personne ne m’as fait sentir aussi vivant depuis que mon frère est mort. C’est pétrifiant, comme sentiment, mais je suis revenu, pour toi. Mon cœur semble s’être arrêté alors que je ne vois rien d’autre que le doux sourire sur son visage. Celui-là, il vient de moi. Un sourire qui efface les failles et les trous de mon cœur oublié. Keira ne voit pas, que la moindre de ses réactions me noie ou me sauve. Elle est tellement plus que l’image que j’en garde lorsqu’elle est loin de moi. Ma mémoire ne fera jamais justice à qui elle est vraiment. Le monde s’illumine en sa présence. Je pourrais être fluorescent tant elle est contagieuse.

Elle me fait face et plus rien n’existe. Keira est le monde, l’univers n’est rien comparé aux tourments et aux joies qui dansent dans ses yeux. Sa main s’avance vers mon visage. Mon cœur fait un bon, mais je reste sans faillir, parce que rien n’a jamais été aussi agréable que d’être vu par elle. Le monde pourrait s’écrouler autour de nous que je n’en aurais pas conscience. Les secondes sont si précieuses pour en manquer une seule. Rien ne semble impossible.

Ses yeux me quittent, mais pas sa main. Je reste suspendu dans l’atmosphère. Elle semble décidée, contente même. Je n’en connais pas la cause, mais ses lèvres s’ouvrent pour dire les mots qu’il me brûle d’entendre depuis que nous ne sommes plus que tous les deux.

- Morgan, laisse-nous, tu veux ? On se verra une autre fois, toi et moi ... En toute amitié.

Je vais tomber de haut, lorsque je vais me réveiller. Ça ne peut être qu’un rêve, cet instant où je peux l’avoir juste pour moi. Cet instant où elle me voit. J’aimerais noyer cet espoir. Me fixer sur la réalité. Ne pas y croire. Mais c’est plus fort que moi. L’univers tourne autour de ses yeux et de ce qu’elle y voit. Je n’existe pas. Je ne suis que l’ombre de quelqu’un d’autre. Je prie en silence pour qu’elle ne m’oublie pas. Pour que ses paroles ne signifient pas son besoin de solitude. Je me ferai si petit, que tu ne t’apercevras même pas de ma présence. Que Morgan nous quitte et que maintenant ne soit qu’une accalmie. Une seconde paisible où je peux te regarder. C’est juste assez, pour que j’aie la force de te quitter, lorsque tu me le demanderas.

« Qu’est-ce qui se passe, t’as vu un fantôme ? »

Non, une loque, mais je ne m'exprimerai pas, je ne veux pas vexer Keira, moi.
Au moins, je pense à elle, avant de penser à moi. Je ne me permets pas de disparaitre moi !
Je suis bien élevé, pas comme un certain quelqu'un que je ne citerai pas. Monsieur le rabat-joie !
Sérieusement, Keira, tu ne peux pas craquer sur quelqu'un comme ça ?
Déjà physiquement, bon c'est limite mais ça peut passer, mais mentalement quoi, ça va pas !

Je regarde Keira pour essayer de lui faire comprendre, que je suis mieux quoi.
Je pointe même Jake du doigt en faisant une grimace, il peut ne pas comprendre, mais je m'en fiche, je veux qu'elle comprenne.
Mais ça n'a pas l'air de percuter dans son esprit.

- Morgan, laisse-nous, tu veux ? On se verra une autre fois, toi et moi ... En toute amitié.

Scotché que je suis, je lève les bras en l'air. Bon sang, on est en train de me virer !
Vi-rer !
Non, mais, personne ne me vire à moi. Je décide quand je pars, c'est aussi simple que ça.
Même pour Keira, je ne m’abaisserai pas !
J'en envie d'hurler, hurler pour prouver que je ne suis pas content, mais je ne le fais pas.
Tellement perturbé par sa phrase.

Je lâche son regard et je me concentre sur Jake, je crois même apercevoir un sourire.
Ah, ouais, c'est comme ça ! Il ne disparait plus là, le petit, non mais, j'ai juste envie de dire, honte à lui.
Maintenant qu'il devrait s'évaporer, il est toujours là.
Je fronce les sourcils, et me retourne de nouveau vers Keira, n'importe quoi.
Mais je choisis l'alternative, avant de m'enfuir dignement, je vais laisser un petit gout amer dans la bouche de monsieur qui gagne.
Je change mon expression, lance un sourire charmeur à la jolie demoiselle.

- En toute amitié, oui, oui, c'est ce qu'on dit, hein.

Et le clin d'oeil qui va avec. Promis, j'en ai fini pour aujourd'hui.
Je leur fait une petite révérence, histoire de garder le contrôle.
Je souris, encore une fois, parce que je suis sexy en faisant cela.
Et puis je m'éclipse de l'autre côté de la porte ? Ouais, c'est bien ça. Hasta la vista, baby.

L’air est de nouveau respirable. Mon cœur reprend la cadence de mon invisibilité. Les battements de ma vie suivent le regard certain de Keira. Une fille comme elle, il n’y en a pas deux. Seule sa voix fait rimer l’impossible, seuls ses pas, illuminent mon destin. J’ai cette impression de folie, quand je me dis que où elle ira, j’irai. Qu’un jour peut-être, on ne sera plus deux âmes dans un corridor, mais deux moitiés dans un monde. On pourrait exister, mon ange, je pourrais être ton ombre.

Ce Morgan semble abasourdi, et son visage se tord de tous les angles. Elle est une poupée de chiffon et il est l’épouvantail aux habits d’ami. Jamais personne ne t’aimera comme moi, Keira, jamais personne ne cesserait d’exister pour toi. Dis-moi que maintenant c’est pour vrai, que c’est plus vrai qu’un rêve, que c’est juste pour nous deux. Et puis non, parle de ce que tu veux, et j’écouterai jusqu’à ma fin. Je veux d’une éternité et de toi, pour être plus riche qu’un roi. Rien ne viendra entre toi et moi, tu veux, dis ?

- En toute amitié, oui, oui, c'est ce qu'on dit, hein.

Et je ne peux pas en vouloir à Morgan, de vouloir à sa façon, celle qui est mon soleil. Keira est la lumière qui définit mon ombre. J’existe avec elle, parce que je refuse d’exister sans. Le monde est maintenant calme, Morgan envolé vers de nouveaux horizons. Je pourrais oublier qu’il était là, il y a quelques instants, alors que mes yeux dérivent dans ceux si purs de mon ange. Le ciel t’appartient, tu n’as qu’à le prendre, prends ma vie aussi, je te la donne, tu peux tout prendre, si tu me laisse rester encore un peu. Je n’ai pas envie de parler, ou de bouger, je veux juste rester là, et être heureux, un dernier instant. Ne pas gâcher la lumière qui réchauffe mon cœur solitaire. Ne pas brûler la chandelle qui me retient dans un coin. Tout va bien, enfin.

Puis je me rapproche, un seul pas, de tous ceux reculés, apeuré d’exister. C’est si paisible maintenant, que je ne comprends pas pourquoi je me suis laissé avoir à flancher. Je devrais me battre, quitte à mourir en chevalier, faute d’avoir su frapper. Mais jamais je ne serai celui là, qui prétends être qui il n’est pas. C’est déjà bien assez compliqué d’être moi, pourquoi essayer d’être quelqu’un d’autre. Et je fais un autre pas, me rapprochant de sa lumière. Je souris, mes lèvres trahissant mon cœur. C’est si facile de l’aimer, que je ne peux que tenter de l’approcher, encore un peu, un autre pas. J’essaie, tu vois ?

Et puis j’ai le cœur qui fond un peu, parce qu’elle est là, tout près, et que ça me bouleverse. J’y croyais même pas, qu’elle puisse vouloir de quelqu’un comme moi. Mais j’suis encore là. Ça n’est pas à moi qu’elle a demandé de partir. Et je n’oserais pas espérer qu’elle me demande de rester. Ma main se temps, contre mon instinct qui me dit que je ne devrais pas. Puis mes doigts restent suspendus dans les airs, et j’expire un peu de bonheur, avant d’éclater en morceaux. Parce que ça faisait bien longtemps, que je ne m’étais pas senti si vivant.

J'attends, regarde les expressions défiler sur le visage de Morgan.
Redoute une nouvelle attaque d'enfants dans mon esprit, mais rien ne se passe, tout s'efface.
Et j'ai envie de le remercier rien que pour cela. Merci de t’éclipser.
Je n'ai plus peur de voir Jake disparaitre et je laisse mon coeur respirer, soulagée.
Je souris, malgré quand je sais que va arriver ses derniers mots, son au revoir.

- En toute amitié, oui, oui, c'est ce qu'on dit, hein.

Je secoue le visage, même plus exaspérée. Morgan est comme ça, je le sais.
J'incline le visage, accueille son clin d’œil. Je voudrai pouvoir lui tirer la langue, comme toute réponse.
D'enfant à enfant. Mais je n'ose pas, ne suis surement pas encore prête pour ça.
Je soupire, m'en veux un peu, je crois, de ne pas avoir la force de faire cela.
Mais mon sourire me sauve lorsque la porte se referme derrière lui.

Mise à nue contre moi, je regarde Jake, bel et bien là.
Je ne sais pas quoi faire, et c'est plus fort que moi, mon esprit souhaite le retour de Morgan.
Rapidement. Nous permettre de rigoler à nouveau et de ne pas de suite se prendre pour des grands.
Je n'ai jamais embrassé un garçon, tu le savais ? J'ai mal au ventre.

Je voudrai trouver le courage de le faire sortir, lui aussi. Ne pas me retrouver dans cette position.
Celle où je ne sais plus très bien qui je suis. J'ai mal, je le jure, à l'intérieur. Et même ailleurs.
Je regarde ses pas, constate qu'il se rapproche de moi.
Pourquoi cela ne pourrait pas être simple ? Que je souris et trouve quelque chose de joli à faire sortir de moi.
Par ma voix.
Je soupire, encore une fois, pourrai jurer qu'aujourd'hui je ne sais faire que cela.
Je secoue le visage, pas vraiment, je ne sais pas, juste un peu, comme ça.
Pour faire revenir le normal à l'intérieur de moi. M'empêcher de stresser, de ne pas savoir quoi faire.
Essayer de parler. Dieu que l'on m'aide s'il vous plait.

Me viens alors une pensée étrange, celle que ce serait plus simple, si je savais à quoi ressemble ses rêves aujourd'hui.
Il tend la main vers moi, mais j'hésite, je voudrai voir dans son cœur. Ne pas avoir peur.
J'ai froid, cela est plus fort que moi. Je respire, pour n'importe quoi. Pour vivre, dans un premier, temps, je crois.
Je ne sais pas, Jake aides-moi. Je ne suis pas douée, lorsqu'il faut exister.
J'attrape sa main, celle qu'il avait vers moi, je l'amène avec moi sur mon lit. On s'assoit, cela semble naturel.
Mais mes yeux m'en disent tout le contraire, je ne sais pas.
Je soupire, encore, voilà.

- Je suis désolée, pour tout ça.

Pour Morgan, c'est vrai, mais surtout pour moi.
Pour ma maladresse et mes gestes hésitants.
Pour mes sourires et tout ce temps.

Mon coeur se balance au bout de mes doigts et je ne sais pas quoi en faire. Je l’imagine petit, facilement débordé, si ordinaire qu’on pourrait l’oublier dans un coin. Et juste à côté, son soleil me fait exister, créant l’ombre que je suis. Sans lumière, il n’y aurait pas d’ombre, réalisai-je enfin. Et sans Keira, je n’aurais pas de raison d’être là, de sourire, un peu perdu dans les souvenirs de ce nous si irréel qu’il pourrait être un rêve. Mais la vérité me frappe de plein fouet, jamais je n’aurais pu rêver quelque chose d’aussi beau. Mes songes sont aussi transparents que moi, inodores, incolores. Alors que Keira est d’un blanc lumineux, bâtit à même son cœur en or.

Elle accroche un sourire à mes lèvres et je serai son ombre aussi longtemps qu’elle sera lumière. Le temps nous oublie et nous laisse exister. Morgan s’est envolé et toute les insécurités qu’il creusait sont retombées sur le sol, inertes. Le silence qui nous entoure est beau d’une première fois qui nous déraille. Ma main reste pendue à un espoir. Ses yeux toujours plus beaux que la seconde d’avant.

Keira me rejoint à mi-chemin, sa main blanche rencontrant la mienne, d’un contact si doux que je pourrais m’effacer. Mais mon ange déteste me savoir invisible alors je reste, aussi fort que ma volonté me le permets, aussi longtemps que les sentiments que j’ai pour elle seront brodés à mon âme. J’aimerais que Keira soit éternelle, comme le soleil qui brûle sans jamais douter. Je n’ose pas lui dire, la place qu’elle s’est creusée dans le fil de mes jours. Alors que sa main nous unit jusqu’à être assis, côte à côte, son bras frôlant le mien, je réalise que je n’ai plus peur. Que c’est ainsi que ça devait arriver, que Keira était écrite dans le ciel de ma vie. Jamais je ne saurai ce que j’ai pu faire pour mériter un ange comme elle, mais je remercie Jason, quelque part dans l’immensité du ciel. De m’avoir guidé vers cette table vide, dans la cafétéria. Cette pensée tords un peu mon petit cœur, mais n’efface en rien le parfait bonheur qui coule dans me veines.

- Je suis désolée, pour tout ça.

Et je mords un sourire sur mes lèvres. Désolée pour quoi ? Désolée d’avoir remis des couleurs dans mon monde en noir et blanc. Y’a pas à être désolée de quoi que ce soit. Il ne faut pas s’excuser du bonheur qu’elle cause dans mon cœur. Ce serait comme s’excuser du soleil, de la vie et de la mort. Regarde ici, juste un peu, que j’emprisonne ton soupire dans ma mémoire. Le bruit de l’air dans tes poumons qui en dit tant sur ce que tu ressens. On connaît bien des choses sur les gens à simplement observer, à les regarder aimer et vivre.

« Ne sois jamais désolée . . . »

Dis-je, brisant de mes mots un sourire sur mes lèvres. On se regarde un instant, des étoiles dans les yeux. Ça pourrait être la fin du monde que je ne pourrais détourner mes yeux de Keira. C’est probablement ça, d’aimer quelqu’un. Nos nez se frôlent. Je pourrais vivre cette seconde pour une éternité. Je rêve de jours comme ceux là, de ceux où elle est là. De ces moments où elle sourit, de sa main dans la mienne, des couleurs qui ne seront jamais aussi belles que les reflets de ses yeux. Mais je ne veux plus rêver, je veux de cette réalité, si elle veut bien de moi.

Spoiler:

Regarde il gèle, là sous nos yeux.


Je ne sais plus quoi dire, mes pensées trop troublées, je me demande ce qu'il veut faire de moi.
J'essaie d'écouter ses rêves, ses espérances, tout ce qui pourraient faire que je dois m'animer.
J'ai besoin d'aide, je crois, je suis en train de couler et sa main me retiens malgré moi.
J'ai pas envie de faire semblant avec toi.

Je ferme les yeux, plusieurs fois. J'ai peur, j'ai froid. Je tremble même, je crois.
Son visage se rapproche du mien, et je retiens mon souffle, j'attends la vie.
J'attends ses rêves, ses envies. Et puis on découvre nos visage sans se toucher.
On reste là, sur ce lit où le temps semble s'être arrêter. Mon cœur en bandoulière, j'ai froid.


Et mes rêves s'accrochent à tes phalanges,

J'ai l'impression d'attendre un je-ne-sais quoi, je ne me contrôle pas.
J'ai mal au ventre, juste là. Je ne bouge pas, pétrifiée, je crois.
Il est bien trop grand pour moi. Et la peur m'envahit sans que je ne la vois.
Je ne veux pas qu'il disparaisse, je veux qu'il réponde à ma phrase, n'importe quoi.
Même quelques mots, sortis de nulle part, venue d'ailleurs.
Règne sur mon monde, Jake, je te l'accorde,
et dans cette chambre, après tout ça, l'évidence s'ouvre à moi.

C'est l'amour qui s'empare de moi, doucement.
Et ça fait mal, je crois. Je ne pourrai pas supporter ça.
Parce que si l'amour est là, c'est que l'espoir se cache pas si loin que cela.
Ca me donne mal au ventre, et dans l'attente de ses mots,
monte en moi une nausée que je ne peux calculer.
J'ai déjà dis que j'ai froid, tu crois ?


« Ne sois jamais désolée . . . »

Oh si crois-moi, je le dois. Et en particulier désolée d'être moi.

je t'aime trop fort ça te dérange.


Je ne sais pas quoi faire, j'attendais sa phrase,
et maintenant le temps est suspendu encore une fois.
Il divague entre lui et moi. Et mon mal de ventre ne veut pas me quitter.
Morgan, où es-tu ? Je veux qu'il revienne pour me sortir de cet état.
Celui où j'ai l'impression de ne plus être moi.
Je veux me réveiller, me dire que Jake n'est pas entrée dans ma chambre.
Arrêter d’espérer malgré moi.

Ne pas voir que ce que je veux n'arrivera pas.
Parce que mon plus grand désir est aussi ma plus grande peur.
Parce que s'il fait ce que je veux qu'il fasse, je n'existerai plus.
Et la vie n'aura plus de sens parce que je devrai me défaire de lui.
Ce n'est pas juste que les choses soient comme ça.
Je veux la simplicité, arrêter de voir leurs fantasmes aiguisés.


Et mes rêves s'accrochent à tes phalanges,


J'ai peur Jake, parce que je ne veux pas te perdre.
J'ai peur parce que ce moment risque d'être trop beau pour moi.
Parce qu'une fille comme moi, ça n'a pas le droit de ressentir tout cela.
Je devrai peut être me contenter des rêves des autres, et laisser tout cela tomber.
Pas toi, non, loin de là, juste ce que je veux vraiment.

J'esquisse un sourire, ou plutôt je tente de l'esquisser. Je ne sais pas si j'ai la force.
Je soupire et me maudis encore une fois, je pince mes lèvres.
Accumule le moindre petit mouvement, et je me dis que ce n'est pas digne de moi.
Je crois même que je repousse un sanglot, pour je ne sais quoi.
J'ai mal d’espérer. Et je me demande pourquoi c'est si simple pour les autres personnes.


je t'aime trop fort, mon ange.

J'espère au plus profond de moi, et j'ai une boule dans l'estomac.
Ma gorge se serre et je me demande si j'arriverai à reparler au moins un fois.
Je lance mille et un mauvais oeil aux filles qui n'ont pas besoin de se poser ces questions avant d'agir.
Ce n'est pas juste, Jake, ce n'est pas juste d'être moi.
Et ce baiser dont je rêve depuis quelques minutes déjà, je le refuse ...
Parce qu'avec lui viendra le reste, et ses envies viendront en moi.
Et me voir dans ses yeux comme ça, cela pourrait m'achever, je crois.


- J'ai froid ...



Mon ange ...

Et le tendre de ses yeux joue à la marelle, sautillant, miroitant. Me laissant perdu dans leur infini douceur. Je ne suis pas fait pour ça, pour aimer les gens, pour leur parler. Mais Keira est la plus belle des exceptions, parce qu'elle est mienne. Tout un chapitre de mon coeur lui appartient. Parce qu'elle est la première et la seule. Les reflets du soleil levant ambrent la chambre, et je ne sais pas si j'ai le droit d'être ici, dans son monde à elle. Je ne sais pas ce qu'elle dirait de ma chambre à moi où la plus part des objets ne m'appartiennent pas vraiment. Ils ont l'âme de Jason de gravés dans la chair. J'ai gardé de ses photos qui s'éparpillent selon mes envies, selon les conseils qu'il m'aurait donnés, sans que j'aie besoin d'ouvrir les lèvres. C'est triste de perdre le seul qui me comprenait vraiment, qui m'acceptait pour le solitaire que je suis, pour l'ombre que j'ai toujours été. Dans ses vieux vêtements comme dans ses vieux livres, je le retrouve un peu chaque jour, alors que je fais jouer un disque qu'il affectionnait particulièrement. Il aimait de tout et tout le monde l'aimait. Moi le premier. Le frère de l'autre qu'ils m'appelaient dans la rue, quand ils se souvenaient de mon existence. Peut-être que Keira trouverait ça triste, même morbide. Ou qu'elle comprendrait sans que j’aie à parler. Parce qu'elle est merveilleuse et que rien d'autre au monde n'adoucit l'absence comme son sourire. Jason l'aurait aimé son sourire. Il aurait aimé Keira, juste parce que je l'aime.

Jay, regarde un peu d'en haut et dis-moi comment faire pour trouver les mots. Toi, tu aurais probablement écrit une chanson, tout dit d'une photo, mais je ne suis que moi. Je ne suis que Jake, et je ne serai jamais toi.

Keira existe juste pour moi, pour quelques moments que je rêve de voir devenir une éternité. Mais c'est trop demander, alors je me tais et l'admire, elle qui ne se compare à personne. Totalement entière, totalement unique. Elle n'est pas vaine, ni prétentieuse, ne voit le monde qu'à travers ses yeux à elle. À travers les yeux des autres, je n'existe pas, mais j'espère tellement qu'elle me voit que j'en ai mal jusqu'aux os. J'en ai mal à l'ombre.

- J'ai froid ...

Et tout ce que je sens, c'est mon coeur qui brûle, qui carbure, qui s'enflamme en sa présence. T'as qu'à demander et je te donnerai mon coeur, tu n'auras plus jamais froid. Je le jure, je te le promets.

Et d’assis côte à côté, je me déplace à peine, pour être derrière elle. Et sans en avoir eu la permission, j’entoure ses épaules de mes bras, mon menton reposant sur son épaule pour ne pas quitter son visage de mes yeux. Et mes mains tiennent les siennes, si frêles, si délicates, si blanches. Et ma peau brûle contre la sienne qui tremble. Je tente de la tenir, de l’envelopper, de la réchauffer. Je ne sais pas si c’est moi qui brûle ou si c’est elle qui gèle. Et je me dis simplement que je pourrais rester comme ça pour longtemps. Aussi longtemps qu’elle a froid, aussi longtemps qu’elle le voudra. Et peut-être que je divague, mais je sens sa tête s’accoter mon épaule et je la tiens un peu plus proche, juste un peu.

« Toujours froid ? » Murmurai-je à son oreille, incertain de la réponse que j’attends.

J'imagine milles et unes choses, je ne sais pas. Je le vois proche de moi.
J'ai peur et le froid ne me quitte pas. Avant qu'il bouge je ressens sa chaleur.
Et mon cœur qui explose se meurt de ne pas le voir se rapproche de moi.
Je ne devrai pas vouloir tout cela, ces sentiments, ces espoirs, et cet amour qui point son nez dans le noir.
Le noir de ma vie, de leurs rêves, si petits.

Je pense à ce baiser celui que j'ai osé imaginer. Et Jake s'anime, alors il s'enfuit de mon esprit.
Aussi vite que ce qu'il est arrivé. C'est terminé, dans cette chambre l'espoir est mort, je le sais.
Le mien, en tout celui auquel j'ai pensé. Folle que je suis de vouloir me changer.
Je ne rêve pas et ne le ferai jamais, ça aussi, je l'ai compris, peut être il y a des années.
C'est dommage, Jake, vraiment, dommage, mais je suis comme ça, juste Keira.

Je ferme les yeux, je gèle, je crois, j'ai froid d'être moi.
Et je ne sais pas comment me sortir de cette torpeur qui glace mon coeur.
Je n'ose plus parler, je tremble un peu, peut être un peu trop, qui sait.
Je voudrai que quelque chose se passe, brise ce silence. Brises-moi.
C'est une supplique qui vient en moi, je veux qu'il le fasse maintenant, plutôt que plus tard quand je serai dépendante.
Parce que ça va finir par arriver, je le sais. Allez Jake, espères-moi nue et je te haïrai.
Rêve de m'embrasser et je ne te voudrai plus dans ma vie.
Je ne te comparerai plus jamais à cet être sans lequel je ne peux plus exister.

Ma respiration se stoppe lorsque je le vois s'animer.
Lorsque le monde se remet à tourner juste pour lui, avec lui.
Et je me dis que ça aussi, cela ne devrait pas être permis. J'ai mal au cœur, il est à l'envers.
Je fais comme tout ces jours où je n'y arrive plus, je n'y arrive pas.
Je me dis, me murmure, sussurre, que puisqu'il est à l'envers, il mérite l'enfer.

« Toujours froid ? »

J'oublie le mien et ne pense qu'au sien, son murmure, à mon oreille.
Ses mains contre moi, je ne sais pas. Je perds la tête, je crois. Je le jure, Jake, j'ai froid.
Je voudrai lui dire que tout va bien, que maintenant je suis en sécurité, plus que jamais.
Je voudrai lui demander de ne jamais rêver, jamais espérer.
Qu'il me le promettre sur ma vie, parce que je sais que s'il le faisait, cela pourra me tuer.

Mes mains serre les siennes, se rassurent de l'avoir encore avec moi.
Dans cette chambre, ce moment, ici, là et maintenant. J'ai peur, tu crois que le froid vient de là ?
Et si je demande de l'aide, est ce qu'il me la donnera ? Me l'apportera même si je me tais,
et que je laisse les choses passées ? Est ce qu'il saura ?
Est ce qu'il voudra ? J'ai peur, oui, c'est ça.

Je ne sais plus parler, à croire que j'ai perdu cette faculté.
Je me demande, je me questionne, je ne sais pas. J'ai envie de pleurer, pour lui, moi, l'éternité.
J'ai mal au ventre, à l'estomac, à l'intérieur de moi. J'appréhende ses pensées.
Je ne voudrai pas, je voudrai être normale, ne rien voir. Si je redis que j'ai peur, tout s'arrêtera ?
Je laisse ma tête s'appuyer juste un peu sur la sienne. Je ferme les yeux encore une fois.
Et accueille lentement une larme couler ... J'ai mal à l’intérieur par l'intérieur. Jake, j'ai mal au cœur.

- Merci ... je dis presque inaudible. D'être toi.

Je tremble en moi, comme si mon corps était en train de convulser.
Je n'ai plus froid, je crois que j'ai peur ... je ne fais que me répéter.
Mais j'ai peur ... J'ai peur, Jake, de toi, peur de ce que tu provoques en moi.

Je me dis que ça ne peut pas durer. Cet instant parfait que je sais vrai parce qu’elle est dans mes bras. Pas une illusion, pas un fantôme, pas une ombre. Juste elle et moi dans un silence qui nous fait frissonner. Elle frissonne de froid alors que je frissonne d’impossible. Dis-moi, Keira, que c’est juste comme ça, que tu ne veux pas de moi. Dis-le et on en parle plus. C’est pas bien grave, ça n’est que moi. Jake, qui n’existe que trop peu. Faut pas t’en faire, c’est pas ta faute si je t’aime autant. Et rien ne pourras jamais effacer les moments passés ensemble. Tu as écrit à l’encre indélébile sur mon âme. Maintenant je t’appartiens.

Mon ange tremble tant qu’elle m’inquiète. Je resserre mon étreinte pour ne pas la perdre, pour ne pas qu’elle s’échappe. Une larme coule sur sa joue et s’écroule sur mon bras. Ne pleure pas, le monde ne serait jamais aussi beau sans toi. Ta lumière m’émerveille, et tu me donne la force d’exister. Imagine ce que tu peux faire pour tous ceux qui t’aimeront, parce que je ne me fais pas d’illusions, je suis loin d’être le seul.

- Merci . . . D'être toi.

Je fronce les sourcils, certain de ne pas comprendre. Moi qui ? Moi l’ombre, moi l’invisible. Il n’y a pas grand fierté à ne pas exister. Ça n’aide personne. Le monde avec ou sans moi est le même. Ils parlent sans cesse de ces héros qui ont fait une différence. Ça n’est pas moi, ça ne le sera jamais. Je suis désolé, Keira, de pas pouvoir être digne de toi.

Être moi, ça n’est pas bien amusant. Être seul dans une sous-réalité. Ne pas exister dans un coin de classe, dans une maison morte, dans les rues bondées. C’est triste, parfois, d’être moi.

« La plupart du temps . . . J’aimerais être n’importe qui d’autre. »

Mon regard se détourne. Jamais je n’ai avoué cette horreur à personne, parce qu’on ne m’a jamais demandé, ou simplement regarder assez longtemps pour le permettre. Ça bouleverse qui je suis, tu me bouleverse, Keira.

Et j’implose de ces sentiments que j’ai pour toi. De ceux que je refuse de te forcer à entendre. C’est pas ta faute si t’es si merveilleuse. Mes joues s’empourprent alors que je laisse échapper une pensée.

« Sauf quand je suis avec toi . . . »