Je tournai légèrement la tête afin d'apercevoir l'importun. On n'est jamais trop prudent, il aurait pu s'agir de n'importe qui. Je n'utiliserais pas le mot "vilain" car ce serait posé une étiquette à un être vivant. Moi qui en voulait aux autre de le faire, je n'allais sûrement pas me lancer là-dedans. Cependant, il était tout de même des êtres auxquels je préférais ne pas tourner le dos.

Mais je me détendis en voyant qu'il s'agissait juste d'une jeune fille. Brune aux yeux marrons, visage banal, elle me disait cependant très vaguement quelque chose. Cette ville n'était pas si grande après tout, je pouvais l'avoir croisée n'importe où. Je détournai la tête, me concentrant à nouveau sur le lac. J'avais presqu'oublié sa présence lorsqu'elle parla.

Elle avait sûrement voulu être polie, mais je n'en avais que faire. Qu'elle s'appelle Germaine, Lucette ou Emeline, au fond, ça changeait quoi? J'allais l'ignorer, jusqu'à ce qu'elle m'énerve assez pour que j'ai envie de l'effrayer. C'était toujours la même chose. La plupart avait l'intelligence de m'éviter directement. Il parait que j'ai un regard effrayant, haineux. Les rumeurs vont bon train : "Tu crois que ses yeux aussi peuvent lancer des flammes?", " Il parait qu'une fois, il était tellement en colère que de la fumée lui ai sortie des oreilles... S'il était pas aussi dangereux, ça aurait presque pu être drôle", "Il a déjà tuer cinq personnes, juste en les regardant.. Combustion instantanée du cerveau"...

Je soupirais, ignorant si superbement la jeune fille non identifiée que je l'avais, une nouvelle fois, presque oubliée.

Je sursautai. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle insiste. La grande majorité des gens essayaient de ne pas me contrarier. S'ils avaient l'impression que je voulais être seul, ils me laissaient seul. De toutes façons, ils ne prenaient même pas la peine de savoir si je voulais ou non de leur compagnie, ils m'évitaient. Bizarrement, les gens n'aimaient pas avoir peur.

Ils n'aimaient pas être rejetés non plus, mais s'ils l'étaient, ils pouvaient avoir deux réactions : La première était la fuite,
l'effacement et la timidité. La deuxième était le conflit.
J'avais choisi le conflit, personnellement. Cependant, il était évident que cette fille ne cherchait pas la fuite. Pourtant, sa demande était trop polie pour un appel à la confrontation. Elle cherchait autre chose.

Je haussai les épaules pour répondre à sa question. Après tout, c'était à ses risques et périls. Le lac était grand, elle aurait pu s'assoir n'importe où.
Je n'aimais pas la proximité, ni la familiarité. Mais je me désintéressais à nouveau. Après tout, elle faisait ce qu'elle voulait, tant qu'elle ne tentait d'inclure une quelconque participation de ma part.

Je ne me rendis pas tout de suite compte qu'elle s'était effectivement assise. C'est alors qu'une idée me vint. Quelque chose qui ne me plaisait pas du tout. Elle voyait un garçon seul, assis devant un lac. Pauvre jeune homme rejeté par les autres... Quel sentiment l'envahit? La pitié.

Mais on ne faisait pas la charité à Warren Peace. Une flamme se mit à courir le long de ma main. Jouant avec le feu, mon regard se fit menaçant. Qu'elle m'en croit capable, c'était de la peur qu'elle devait ressentir. Rien d'autre.