Y a un orage, dehors. De l’électricité dans l’air et des éclairs qui s’abattent un peu partout. Un mauvais jour pour être au ciel. Comme si l’univers disait « Fuck you, Sonny. » pendant que mon corps se souvient de ce que ça fait. « Fuck you deeply. » Vu d’ici, on a pas l’air d’être au milieu d’une tempête mais d’être, la tempête. Comme si on se trouvait dans l’atelier d’un forgeron fou de rage et qu’il abattait son marteau sur l’école son enclume. On est rien que ses étincelles. Des particules à la con qui sont le résultat de sa colère. Mais les orages sont imprévisibles et ont décidé de faire des gens leurs choses. Y en a qui sont euphoriques, heureux sous la pluie jusqu’à s’en tremper les os. Y en a d’autres que ça énerve, comme si ça gâchait leurs journées, ce sont ceux qui voient pas plus loin que le bout de leurs nez. Et y a ceux qui s’en foutent et remarquent à peine, juste les effets que ça a sur les gens qu’ils croisent. Je vais aller à la bibliothèque, là-bas c’est calme, on a pas le droit de gueuler. C’est très bien pour ce que j’ai.

« Don’t you forget about me.» dit l’orage accompagné de messieurs les éclairs en s’écrasant si près de nos têtes. Je fais griller quelques ampoules. Rien de grave, ça me picore juste un peu les nerfs. C’est normal, je me dis, que mes cheveux frisent. Ouais je pourrais pas faire autrement qu’avoir des boucles. Même si j’essayais. C’est normal aussi, que je pique. Mais y a quelqu’un de très spécial à qui ça plait. Je cligne des yeux, même si y a personne pour me voir faire. Juste comme ça, parce que ça me rapproche d’elle. Je me sens mieux, la lumière revient. Je regarde par la fenêtre au bout du couloir. Les nuages. Les déchirures dans le ciel qui résonnent fort dans nos murs. Je vais me foutre quelque part de petit, de calme. Pourra rien m’arriver, parce que je pique. Je vais aller penser à elle dans ma cage, loin de tout. « Fuck you too. » putain d’orage.

Sauf qu’il y a déjà quelqu’un dans l’ascenseur. Je dis « Salut. » en allant me foutre dans le coin. Mais j’aurais probablement pas du. Il m’avait pas remarqué avant ça et ouais, c’était très bien. Bordel, que je me dis. Toute cette haine, ça va être pour moi. C’est Leo J. Peace. Et ça doit surement être un miracle pour qu’il me soit jamais tombé sur la gueule. Je devrais lui faire un câlin préventif, qu’on voit s’il essaie de me cramer les tifs. Et je pourrais savoir s’ils repoussent plus bouclés qu’avant. Mais j’en fais rien et je cherche probablement un truc à dire quand un éclair s’abat pas loin, sur le toit ou dans la cour, tout près de nous. Trop près de moi.

Je sais pas si c’est de ma faute ou si c’est vraiment l’orage, mais l’ascenseur a cramé. Il bouge plus, sûrement à quelques mètres, même pas, de la bibliothèque plongée dans le noir. J’ai l’impression que quelqu’un souffle dans mon cœur avec une paille, qu’on m’a fait une piqure et que depuis, un gaz nocif me dévore les organes. J’ai peur, mais j’en fais rien. En une seconde, je me retrouve dans un champ. J’ai quinze ans, tout va bien, j’ai dormi la veille pour la première fois depuis des mois. Je suis heureux, la vie est belle. « Je veux pas mourir sans cicatrice. » je me dis et je me sens planer, en transe, frôlant le ciel. Et puis quelqu’un me tue, m’arrache l’âme. On me laisse agoniser, seul pendant des heures sur une herbe qui m’en veut et me brûle la peau. Je suis pas mort, mais je préfèrerais.

« Ça devrait pas durer. » Je lance dans le noir. A lui, à moi. J’essaie de me convaincre. Peut-être qu’un jour j’oublierai le mal que ça m’a fait. Le plus triste, c’est peut-être que j’ai toujours pas de cicatrice. Les douleurs violentes ne laissent aucune trace. Si elles te marquent, c’est qu’elles te ratent.