Je regarde mes pieds qui baladent dans le vide, la tête posée contre le mur de ma fenêtre abîmée. Devant moi s'étend des champs infinis d'une couleur verte qui fait partie de moi, j'imagine des centaines de trèfles a quatre feuilles au milieu de cette immensité, des trèfles que Garry aurait adoré cacher dans mes cheveux un soir d'été pendant lequel le soleil nous aurait aveuglé, d'un orange immaculé. On aurait été bien, on aurait joué, on aurait parlé, on aurait rit ... Juste la vie. Neve et Garry.

Mes yeux quittent les champs et mes souvenirs sûrement. Seulement pas pour longtemps, parce que dans un automatisme certain je me retourne, toujours sur le rebord de la fenêtre et je trouve le repaire de mon mur aux merveilles, des dizaines de lettres qui viennent de lui et des images sur papier glacé qui retracent des années où j'étais entière parce qu'à leurs côtés, avant qu'on soit séparé et que Garry se charge de m'envoyer tout ce qui se passait dans ce monde duquel j'étais éloignée. Je revois nos sourires, revis si je le veux nos délires. Mon cœur se serre lorsque je repense a tout cela, heureuse de l'avoir vécu et triste de me dire que malgré eux c'est fini.

Dix huit mois que le temps semble s'être arrêté, dix huit mois que mes pensées sont loin des siennes, dix huit mois trop longs pour moi. Il me hante sans le voir, m'obsède sans me parler, manque à mon être sans que je puisse dire quelque chose pour le contrer. Alors mon regard parcourt sa course, quitte mon mur encré de ses mots, pour trouver mon bureau, mon billet, mes bagages et tout cela sans regret. Demain je pars, enfin demain on part, Neal et moi, il n'a pas hésité une seconde m'a juste dit : Si tu y vas, je viens aussi. C'était décidé, j'ai souris à mon frère et je suis allée acheter ce qui nous permettrait de le retrouver.

J'embrasserais mes parents, peut être deux fois, ou même trois. Je passerais embrasser les siens, aussi, parce qu'ils sont comme lui, ils font partis de ma vie. Le cœur léger je les quitterais, anxieuse, apeurée, me demandant sans arrêt comment vais-je le retrouver ? Non pas que je ne sache pas où chercher, non, je parle de son état, de ces sourires qu'il doit servir, ici et là, entre deux blagues, deux changements de corps, deux mensonges contrôlés ... Je le prendrais dans mes bras, à la seconde où mes yeux auront retrouvés les siens, à la seconde où mon âme aura retrouvée sa meilleure moitié.

Le soleil se couche, je le sais, pour connaitre la lumière de ma chambre par cœur, je descends de la fenêtre, me dirige vers mon lit tandis que je laisse glisser mes doigts sur ce mur qui ne reflète qu'à moitié tout ce qu'il a pu me dire sur papier. Je trouve mes draps, tôt c'est vrai, mais j'ai hâte que demain soit là, je le serrerais contre moi, lui murmurant malgré moi un : Garry, tu m'as manqué, sur lequel mes rêves viennent me chercher.

On dit d'elle qu'elle est : Qu'elle sait se dire que si aujourd'hui est un jour compliqué, demain sera meilleur. Qu'il suffit qu'elle lise certains mots de Garry pour retrouver le sourire et son envie de croire en la vie.
Mais on oublie souvent de dire : Qu'elle sait apaiser les maux comme personne d'autre ne le ferait. Qu'elle sait écouter, se faisant gardienne de centaines de secrets.

Sa plus grande force : Elle croit.

Son histoire vraie : Je n'ai pas une vie très compliquée, amoureuse de la simplicité, je peux avouer que sur ce côté, je suis comblée. Je suis née dans un pays étranger à mes origines, pays où j'ai rencontré des personnes que jamais je n'aurais voulu quitter. Un garçon aux cheveux bouclés, sa sœur qui apprenait à marcher, un duo de protecteurs, des gens chers à mon cœur, gravés dans mon esprit, unis pour ce qui nous semblait être le chemin de toute la vie. Et puis je suis partie, j'ai suivis mes parents, on est allé retrouver cette Irlande dont ils me comptaient les légendes. J'ai pleuré, c'est vrai, j'ai voulu me dire que je les haïssais de m'avoir fait cela, mais quand j'ai vu mon premier trèfle, j'ai su que même si ailleurs ça l'est aussi, là-bas c'est magique comme pays. Mes pleurs se sont stoppés le jour où j'ai reçu sa première lettre, où il m'a offert une partie de lui dans des mots enfantins que je me plais à relire parfois, on était bêtes, mais bon dieu même loin on était là. Notre amitié a grandi au fil des années, comme nous deux, chacun de notre côté en réalité, j'ai découvert son monde à travers ses yeux et lui le mien à travers les miens. Attendant ce moment où je me sentirais prête à tout quitter, partir pour le retrouver. Il a su me faire mal parfois, malgré lui, malgré moi, et je n'ai rien dis, j'ai arrêté d'écrire un temps pour reprendre de plus belle, trop en manque de lui. On a continué à grandir, à s'écrire, s'envoyant tout et n'importe quoi, tant qu'on se l'envoyait et qu'on savait qu'on pensé à l'autre quand quelque chose d'important arrivait. Quand tout cela s'est arrêté, je crois que c'est là que la vie est devenue compliquée. J'avais peur, j’espérais, je croyais que les lettres finiraient par arriver. Je regardais mon mur y cherchant un secret que je n'aurai pas compris, quand j'ai enfin cru entendre sa détresse lointaine j'ai décidé d'en parler, de ce manque qui me rongeait, j'aurais remué ciel et terre pour qu'on vienne me l'expliquer. Quand la sentence est tombée, je n'ai plus hésité. Garry, je te retrouverai.