On dit de moi que je suis, et qu'être est déjà un miracle en soi. On dit surement aussi que je me fiche des « on dit » et que les seules vérités qu'il faut retenir sont celles qu'ils oublient.

On oublie souvent de dire que si la liberté avait un nom, elle irait coucher quelques piques contre ses consonnes. Que si l'indigestion vous guette face aux règles pré-faites que l'on mâche avant de les recracher dans votre gorge pour que la digestion soit plus aisée, vomissez-les.
On oublie aussi de dire qu'il n'y a rien de fou à se foutre de la noirceur qui s'étend tout autour de nous, chantant des horreurs. Il n'y a rien de fou à se foutre de cette pseudo-détresse qui devrait pourtant nous envelopper dans ses draps de fer mais qui échoue, tu es fou, quand tu te fous de cette pseudo-détresse qui devrait pourtant t'envelopper dans ses draps de fer.
On oublie que les choses cassées ne sont pas toutes à jeter quand la magie d'un as suffit parfois à les travestir pour les voir renaitre et durer un millier d'années. Que le monde a pour seules limites celles que l'on s'impose et qu'il suffit d'un rien d'audace pour les faire voler en éclat et rallumer les étoiles.
On oublie de dire que ne jamais avoir où aller est le meilleur moyen de ne jamais se perdre en chemin, qu'aller nul part nous amène toujours là on nous voulions aller. Que si sur le chemin de votre vie des monstres chahutent sous votre lit, dans le fond de votre placard ou dans le creux de notre crâne, invitez-les à diner. Même les monstres méritent de sourire.
On oublie également qu'un chez soi peut se trouver partout, que le mien s'improvise ici, là, n'importe où. Contre votre bras, sur ce banc là, dans l'herbe du champ voisin. Partout et nul part à la fois, à condition que ça pique, ça rit, ça vit. Et si tel n'est pas le cas, je sèmerait un peu de tout ça derrière moi.

Mais on oublie surtout de dire qu'un sourire est à la portée de tous, aussi longtemps qu'il vous reste un as à jouer, caché dans votre manche. Que si la vie se montre blessante, il suffit alors de lui cracher à la gueule et d'en rire, si elle oublie de vous sourire. Il suffit d'un peu de piquant.

♠ SOME SPADES ♠

Les ombres des feuilles dessinent des personnages contre le mur. Il y a Joel l'écureuil qui court le long du plafond et Donald la perruche qui agite ses plumes quand le vent souffle fort et dérange les arbres. J'avais demandé une perruche pour noël et papa avait dit oui mais maintenant, papa est parti. papa est parti, maman est sûrement partie avec lui, laissant son corps ici. Il faut que Theo revienne à la maison. Où est Theo ?
Je suis fatiguée mais je ne veux pas dormir. Il ne faut pas dormir, Theo n'est pas encore là. Il avait dit qu'il sera là tôt, mais la nuit est arrivée depuis longtemps pourtant.

Et puis j'entends la voix de maman en bas et je sais que Theo est là. Parce qu'il n'y a que quand il est là que maman parle. Sortant de mon lit, je me faufile hors de la chambre pour m'arrêter devant les marches.
Je croise mes bras et soulève le menton, comme le font les grands lorsqu'ils ne sont pas contents. « T'avais dit que tu rentrerais tôt. » Mais il est revenu, pas comme papa. Theo reviendra toujours, lui. « J'suis désolé, Minz. » Je passe mes bras autour de son cou et m'endors déjà avant d'être dans mon lit. Mais je ne veux pas dormir, pas encore. Parce que papa n'est plus là, que maman et partie avec lui et que Theo aurait pu vouloir partir aussi. Mais il est revenu à la maison. Theo reviendra parce qu'il m'aime. Et Papa, pourquoi ne nous aime-t-il pas ? « Theo, tu crois que papa reviendra ? » « On s'en fout, de toute façon on a pas besoin de lui. » On a pas besoin de lui. On a pas besoin, Theo l'a dit. Alors c'est vrai. On a pas besoin de papa, on a pas besoin de maman. Il faut juste que Theo reste lui, et alors tout ira bien. « Ferme les yeux, je reste là. ok ? » Et Theo restera.

Alors on s'en fiche de noël, on s'en fiche des perruches. J'ai encore Donald qui danse sur le mur. « Okay. » On s'en fiche de Papa. Theo est là.


Faunabite sera le cri de guerre de ma révolution contre l'ordre établi, la bienséance et toutes ses âneries. Un hymne à la liberté, la joie où chacun naitra et demeura heureux par droit. « Faunabite ! » je hurle au vent, le poing en l'air. Et là, au milieu des passants léthargiques aux zygomatiques rouillés, une petite chose s'arrête, comme hélé. Il me regarde, regarde autour de lui pour reporter son attention sur moi. Parfait ! Je me précipite vers lui et « Ne t'en fais pas, ce sera Fauna pour les amis. » je lui souffle, passant un bras autour de son cou. Il ne me lâche pas des yeux, complètement perdu tandis que je note qu'il ne sourit pas, a surement oublié de le faire depuis très longtemps. Il a le malheur collé partout contre sa peau, ça me brûle les rétines de voir ça.
Il ressemble à une petite chose brisée, fendue, fracassée. Mes préférés. Un petit sourire, pour Minnie ? « Une fois, quand j'avais sept ans, j'ai fait pipi au lit. J'ai dû dormir sur le tapis. » et c'est vrai. Tellement vrai que je le dis à tous ceux ayant besoin de le savoir. Je l'ai dis à un gars de mon lycée une fois, alors qu'il triturait son bracelet rouge. Il a rit, je suis partie.
Et juste là, incompréhension apeuré de ma petite chose cassée laisse place à un sourire discret, s'intensifiant doucement quand ses yeux pétillent et se laissent, eux aussi, aller à un instant de joie. « Et voilà ! » je scande en lui soufflant un baiser, déjà loin.
Mission accomplie.


« Putain, avec tout ça, on va être obligé de manger froid. » Ca se plaint de partout parce que rien n'est chaud et que leur petit estomac frileux vont attraper froid. Personne n'est jamais mort d'avoir manger des carottes crues en salade, il me semble. Si ? « Effroyable ! Mais qu'allons nous faire ? »  je hurle d'une voix cassée par une émotion qui pue le n'importe quoi, les mains contre le cœur, dans une réplique de la position empruntée par la fille, là bas.

« Il s'est passé quoi ? » je demande au gars devant moi, qui cri plus fort que les autres, se plaignant encore et encore. Je n'ai même pas envie de le faire rire, celui là. « Un con a fait péter tout les micro-ondes. » Rien de grave, en somme. D'ailleurs, il y a un gars ici qui s'embrase à volonté. Ils peuvent toujours lui demander de réchauffer leurs plats pour eux.
Il n'a d'ailleurs pas l'air commode, avec ses airs de gros dur à qui on ne la fait pas. J'irai le voir un jour, lui raconterait quelques blagues, juste pour voir si il me sourira. Même qu'avec les yeux, ça suffira.

Attrapant une pomme, je me dirige vers la sortie, fatiguée par leurs jérémiades. La vie, c'est de l'autre côté, elle n'attendra pas leurs estomacs.
Ca me fait penser... J'aurais sûrement pu réparer les micro-ondes, s'ils avaient été moins cons.



Ma plus grande force : Mon As caché contre mon âme ; les objets cassés et leur beauté.
Mon intime faiblesse : Mon petit orteil abimé.