× Roxane était un miracle du genre humain et quiconque l'a connue s'accordera à dire qu'elle n'avait son égale aussi bien pour sa beauté que son tempérament unique. Elle était femme avant toute chose, pas tout à fait consciente de l'impact qu'avait sur les autres le moindre de ses regards. Troublante, parfois troublée, elle vivait sur l'équilibre précaire d'un esprit tourmenté qui parfois se chantait des atrocités. Entre traumatisme et grandeur, elle sut bien assez tôt que sa nature spéciale appelait à quelque chose de nouveau, de révolutionnaire.
Elle fut choisit, avec les autres, afin de recevoir un pouvoir et les responsabilités qui en incombent afin de tenter de se faire une place inhabituelle dans le monde. Cette expérience l'ouvrit à la vie, elle découvrit même sa phobie. Désormais capable de réveiller la peur la plus primaire d'un être, elle a aussi en son corps un don plus secret, qu'elle cache aux gens qui n'entrent pas dans son cœur. Parce qu'il relève du privilège d'être aimé de Roxane, ainsi que de ce pouvoir si particuliers.
Disposant d'armes douces, elle peut trancher l'amour comme l'on étend ses peines sur son corps. Elle a le pouvoir de déchainer sur un ennemi son enfer personnel, un océan de douleur sous la forme d'un unique cauchemar qu'elle éveille alors. Mais si elle aime... son affection porte une protection inébranlable au sujet de ses élans. Et c'est à Cameron qu'elle a offert, comme un talisman, l'assurance qu'ils vieilliraient ensemble.
Elle a épousé son plus grand rêve et avec lui, des perspectives changées. Lui aussi s'est découvert une phobie nouvelle, songeant avec horreur au jour où ils devront se perdre. Mais tant qu'ils étaient ensemble, elle se faisait la gardienne de leurs rêves, conjurant sorts et tourments et rien ne pouvait lui arriver. Et puis, ils ont eu un enfant, le premier, selon elle, d'une grande chaine de petits volcans. La peur de perdre son époux s'est vue surpasser par la crainte de perdre ce petit être de chair et de feu et ainsi, son pouvoir fut troublé pendant quelques secondes qui suffirent à faire vivre leurs craintes de ne devenir rien.

Il ne fut pas aisé de tuer Roxane Peace. Elle a été enlevée en un éclair, c'était absurde. On ne devrait pas avoir à choisir sa plus grande peur, quelle couleur donner à ses cicatrices ni quelle forme donner à la ride que l'on vient poser sur son cœur, et pourtant. Roxane le dut et elle choisit sans le savoir, d'être séparée des siens en craignant plus que tout de perdre son enfant dont les peines n'étaient pas encore réciproques. Elle s'est débattue, si bien, si férocement.
Mais une lame, aussi fine que longue, a forcé un refuge entre ses côtes saignées à blanc. C'était douloureux, évidemment, mais rien n'a suffit, pendant longtemps... C'était comme si quelque chose ou quelqu'un avait placé une boule de feu contre son cœur. Toute tentative n'apportait qu'une protection morbide à sa peau sublime et son pouvoir étrangement renforcé, tandis que ses veines s'évidaient.
Sauvée par son don, elle a déchainé l'enfer sur son bourreau quand les autres pleuraient sa mort. Elle vibrait d'un hurlement lavé par les cendres d'un désespoir inhumain, lorsque Cameron vécut son cauchemar. Son petit Leo savait que cette larme de feu qu'il semblait avoir vomi, signifiait quelque chose de grave, mais il ne pu rien dire du haut de ces deux années à peine entamés. Alors elle les sentit abandonner un espoir à son nom, et enterrer son corps. Elle aperçut l'enfer, tant qu'elle vivait encore.

× Terry était l'extase dans son état pur et givré. Il était ce miraculeux, merveilleux tout premier flocon qu'on aperçoit quand on ne l'attend pas, un soir dans le jardin froid. Il était la magie des neiges et les percées de ses fleurs que rien n'arrête, pas même les ombres. Littéralement rafraichissant, il impressionnait d'une stature taillée à même la glace. Sur ses cheveux s'étaient imprégnées des étoiles blanches en masquant le brun, mais qu'il portait avec fierté tant elle rehaussait l'éclat dans ses yeux clairs. Et puis, sa femme les aimait. Ses fossettes creusés par des milliers de rires étaient l'endroit préféré de sa fille pour venir y poser des baisers soir et matin, quand rien n'allait plus et quand tout allait bien. Terry était un petit dieu au royaume des hommes, trainant derrière lui la brume comme d'autres leurs rêves, il sillonnait son chemin d'une nuée de flocons d'argent épelant quelques prénoms. Son surnom, Whisper, lui collait à la peau. Altruiste et solitaire, il était ce bonhomme des neiges bourru à qui l'on offre une carotte en guise de nez et qui nous effraie un brin, tant qu'on lui a pas offert un sourire avec quelques pommes de pins.

Qu'on se le dise, un homme tel que Terry Maesa n'aurait jamais du mourir. Ce qu'il lui est arrivé est contre-nature. Contre sa nature. Il s'est battu et n'en a souffert que d'avantage. Il s'est vidé de son froid avant de perdre du sang et peut-être fut-ce ceci qui eut raison de lui. En se vidant sur le parpaing, il luttait encore et il s'est relevé, murmurant dans sa barbe quelques mots restés secrets. Il était conscient alors il a aidé ceux qui ne l'étaient plus. Un gamin était posé là, les yeux rivés sur un orage et il a cautérisé toutes ses plaies du bout de ses doigts givrés. Le petit a sourit, il devait avoir l'âge de sa fille.
Alors il était là, dans les décombres de ce qui était la terrasse d'un café il y a quelques minutes encore, à recueillir malgré lui les derniers souffles des mourants. C'est en sentant une chaleur étrange l'envahir, qu'il a compris. Sa femme. Sa fille. Comme il s'en voulait ! C'était contre-nature. Il n'avait pas le droit de mourir. Il a aperçu l'homme qui l'avait blessé, celui qu'il avait suivit à travers toute la ville tandis que le givre suintait hors de lui, le désertant, abandonnant ses chances. Oh, nul doute que le Serpent l'a vu lui aussi. Mais il a choisi de le laisser là, en plein Printemps avec le cadavre d'un espoir chargé sur ses épaules hautes et bien faites. Il s'est agenouillé, calmement. A soufflé un prénom qu'on a entendu. Whisper once. Un glaçon sur la joue, il s'est assis sur ses talons. Un autre prénom. Whisper twice. Il a pensé à la lettre qu'il écrivait à sa fille tous les ans depuis sa naissance, l'allongeant avant chaque anniversaire. « And... » Heureusement qu'il l'avait mise à jour la veille. « the Whisper » Au moins, elle finissait sur un “je t'aime”. « endssss. »